ADJAME-YOPOUGON : Allons au”djassa” ou comment se faufiler entre les voitures pour proposer ses marchandises

Allons au ” djassa ” ! Dimanche, jour où les fidèles chrétiens expriment leur gratitude au Père Céleste en se rendant au culte. Cependant à Adjamé et à Yopougon on ‘’ bara ‘’ !

 

Le dimanche 25 avril, nous nous sommes rendus dans la commune d’Adjamé pour essayer d’en savoir davantage sur le phénomène du commerce ambulant.  Pour s’y rendre, plusieurs possibilités. Le bus, ou un mini-car de transport en commun communément appelé ‘’Gbaka’’. Il est 08h lorsque nous arrivons dans la commune d’Adjamé, l’une des 10 communes d’Abidjan, la capitale politique de la Côte d’Ivoire. Plusieurs personnes s’affairent autour de l’ex cinéma Liberté, précisément devant la pharmacie Makissi. Des vendeurs de journaux, d’habits composés de friperie, de sandwichs… Parmi ces marchands ambulants, l’une semble prendre son travail très à cœur. Dame Konan, c’est d’elle qu’il s’agit. Elle  est vêtue d’un boubou de couleur bleue. Elle s’apprête à aller en pleine voie pour y faire du commerce ambulant ou la vente à la tire. Elle a comme viatique avec elle de l’eau congelée, du jus, du chewing-gum, et des bonbons.

Ce commerce nous explique-t-elle, consiste à se faufiler entre les voitures pour proposer des marchandises de divers ordres aux conducteurs. Avec une adresse à nulle autre pareille et un sang-froid hors normes, elle se contorsionne entre les voitures pour proposer ses articles, qui aux automobilistes, qui aux passagers. Il faut être rapide parce qu’au même moment ou le client s’intéresse à une marchandise du jus pour le cas en présence, la voiture à bord de laquelle il est peut démarrer en trombe.  Et vous risquez de perdre un client. Il faut donc être prompt dans ses gestes, préparer la monnaie exacte et suivre la cadence en courant après une voiture, lorsqu’elle démarre en trombe.

Interloquée sur les raisons pour lesquelles elle n’hésite pas à parcourir un tel danger, Dame Konan affirme avec un rictus -lorsqu’elle a bien sûr fini de servir son client et que personne ne demande de marchandises qu’elle propose- les revenus de son commerce lui permettent de prendre soin d’elle, de ses enfants et de s’occuper de leurs frais scolaires.  Avant que nous ayons pu poser une autre question, la voilà aussitôt courir après une voiture dans laquelle les enfants d’une passagère reluquent les bonbons à la menthe qu’elle propose et dont ils sont si friands.  Dame Konan nous fait savoir, entre deux livraisons, que le risque, c’est l’essence de ce métier. Il n’y a pas de repos, pas de jours fériés, tant que les clients pullulent.

 

Subvenir à ses besoins en exposant sa vie…

 

Sans s’en soucier, ces personnes exposent leur vie pour subvenir à leur besoin quotidien. Et c’est quand même moins couteux, vu que la rue n’appartient à personne et on n’y loue pas de magasins aux coûts exorbitants pour le fonds de commerce assez maigre de ces commerçants ambulants ! A Adjamé nous fait savoir Y.K un jeune qui s’adonne à la même activité, «il y’a plusieurs endroits outre le cinéma Liberté. Il y’a le Black Market, la grande artère dite Nangui Abrogoua… » Il n’a vraiment pas tort ! Eh bien Adjamé mérite vraiment son pseudonyme de commune commerciale tant les rues sont bondées de marchands ambulants. Il suffit de traverser la voie en face de la pharmacie Makissi, pour s’en convaincre. Des restaurants, des gérants de cabine, des magasins d’articles ménagers, des librairies et des gérants de cabine cellulaire sont alignés, chacun dans son petit lopin de terre qui lui sert d’endroit pour installer sa baraque, son parasol ou son conteneur, pour mener son activité. Peu importe le confort des lieux, l’essentiel est d’avoir pignon sur rue pour avoir la chance d’appâter certains des piétons qui s’aventurent dans cette ruelle ! Au détour de cet espace pour se rendre vers le siège d’une grande église évangélique, les piétons sont obligés de marcher le long de la voie réservée aux voitures, tant les commerçants pullulent. Les conducteurs de ‘’Gbaka’’ doivent être des as du rodéo pour pouvoir garer  à un espace non loin d’une station, qui leur sert de gare occasionnelle pendant la journée à destination de Yopougon. C’est que la prochaine étape de notre périple, est la plus grande commune d’Abidjan, Yopougon qui n’a d’ailleurs, rien à envier à Adjamé en terme de ‘’Djassa’’!

 

 

Si Adjamé est tant grouillant de monde, les autres communes de la capitale politique ivoirienne ont aussi leur lot de marchands ambulants.

Autre cadre, autre décor, mêmes réalités !  Nous sommes à Yopougon en face de la pharmacie ‘’Siporex’’.  Cette pharmacie à laquelle on accède après le premier où le deuxième pont qui permettent d’accéder à ladite commune.  Contrairement à Dame Konan à Adjamé qui vendait de l’eau et autres accessoires, ce sont de jeunes garçons qui proposent des tee-shirts, chaussures, montres et divers articles aux passants. Et comme à Adjamé, les restaurants, les cabines cellulaires et les libraires rivalisent d’ardeur avec les marchands à la tire. Selon de jeunes gens, la vingtaine pour la plupart, habitués de cet espace et qui proposent des vêtements aux passants, c’est le seul moyen de venir en aide tant aux parents que de se prendre en charge. N’est-ce pas mieux de se débrouiller que de s’adonner à de petits larcins aux conséquences incalculables pour le casier judiciaire ? Donc Ils se ‘’démoisissent’’ dans le ‘’djassa”. Histoire de dire qu’ils gagnent leur pitance quotidienne en crapahutant dans la vente d’objets ambulants, au marché noir…

La plupart d’entre eux se sont vu obligés d’abandonner l’école par manque de moyen financier. Aussi vivent-ils au jour le jour sans endroit fixe pour marchander. Ils marchandent constamment pour avoir le minimum vital. Ces ‘’djassamen’’ espèrent avoir de l’argent pour essayer plus tard d’avoir un mieux-être dont eux-mêmes ignorent, l’envergure.  Ils n’ont jamais foulé les classes d’une école de commerce mais à voir leur capacité de persuasion pour imposer leur marchandise (ici un tee-shirt, là une paire de tennis…) c’est sûr qu’ils en ont la compétence à  revendre !

Cette vadrouille avec des transports en commun et pour seule vue pittoresque à travers les vitres des engins en communs empruntés, ces marchands ambulants qui ‘’grigra pour daba’’ c’est-à-dire chiadent pour gagner leur pain quotidien, comme le dit l’argot ivoirien, le ‘’Nouchi’’.

 

    Cécilia. A

 

 

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