Si le Projet de loi de la Commission électorale indépendante soumis aux deux chambres devrait être voté en l’état, il porterait un coup fatal à la vie sociale nationale et partant aux élections à venir. Pour qui a vécu les élections générales de 2010 à 2020 avec son lot de morts, il urge pour les partis politiques, au pouvoir comme dans l’opposition, de sortir de celle-ci et lui donner une véritable indépendance. En attendant le PDCI-RDA conteste, entre autres, la surreprésentation du RHDP qui y a 13 représentants contre 5 pour l’opposition. La déclaration du président du groupe parlementaire du PDCI-RDA, l’honorable Simon Doh.
« Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, chers collègues,
Le Groupe Parlementaire PDCI-RDA a procédé à un examen approfondi du Projet de Loi portant modification de la loi n° 2001-634 du 9 Octobre 2001 portant Composition, Organisation, Attributions et Fonctionnement de la Commission Electorale Indépendante (CEI).
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, chers collègues,
Nul dans cet hémicycle n’ignore l’histoire récente des élections de notre pays, la Côte d’Ivoire, s’est toujours, avec des peines profondes, conjuguée avec la violence, les nombreux morts ainsi que les pertes en biens matériels pour une grande majorité de nos compatriotes.
Les souffrances de nos populations qui vivaient paisiblement en harmonie ont pour source, entre autres, des élections calamiteuses avec une institution électorale qui depuis plus de vingt ans n’a pas été capable de garantir son impartialité et son indépendance et nous le savons tous.
Le rapport MO IBRAHIM 2017, en son critère sur les agences de contrôle des élections estime que la Côte d’Ivoire est dans le signal d’alerte avec une tendance à la régression en ce qui concerne la CEI avec une marge négative de -0,30.
De même, en 2018, dans son rapport d’études relatives à l’évaluation du processus de réconciliation nationale réalisé avec l’appui de l’ONG Allemande KONRAD ADENAUER STIFUND, L’APDH sur la problématique du processus électoral équitable et transparent, la réforme des lois confligènes, avait conclu et je cite :
« Globalement, il ressort de l’étude que les acteurs et les institutions qui incarnes les élections n’inspirent pas confiance et que par ailleurs, les élections restent une source potentielle de tension. Autrement, l’opinion générale traduit un climat de méfiance à l’égard des institutions en charge des élections ».
Les 87 morts et les 200 blessés graves des périodes pré et post électorales de 2020 ont fini par convaincre l’opinion nationale et internationale que ses deux institutions avaient eu raison de sonner l’alarme.
La question de la réforme du cadre juridique et institutionnel régissant les élections en Côte d’Ivoire préoccupe sérieusement, depuis plus de vingt ans, l’opinion publique nationale en général et les acteurs politiques et les organisations de la société civile en particulier.
Elle constitue sans doute l’un des facteurs, sinon le facteur clé dont la résolution définitive permettra certainement à notre pays de sortir enfin du cercle infernal et douloureux dans lequel nous l’avons plongé pour retrouver ensemble le chemin d’une paix durable pour le bonheur de tous nos compatriotes.
Nous avons donc le devoir, la lourde responsabilité historique d’accorder à cette problématique vitale une attention particulière, l’importance et l’urgence à la hauteur des enjeux en cause pour l’avenir de notre Nation, la Côte d’Ivoire.
Depuis le 7 juin dernier, nous n’avons de cesse dans cette Assemblée nationale, d’exhorter à l’engagement dans toutes nos actions de la fraternité agissante au service de la paix et de la réconciliation vraie dans notre pays. La fraternité dont il s’agit, est un facteur déterminant qui fait rencontrer des compatriotes, hier antagonistes, pour être déterminés de manière farouche à réparer tous les liens disloqués et reconstruire le projet d’une grande nation ensemble. Cette fraternité qui a transformé des nations, se nourrit de confiance qui elle-même est alimentée par le dialogue, la pose d’actes consensuels concrets et d’intentions positives dans la mise en œuvre de l’ambition que nous nourrissons tous pour notre pays.
“La Côte d’Ivoire fraternelle est possible, par la construction d’institutions républicaines, authentiquement démocratiques, consensuelles, fortes et durables. Il doit en être ainsi de la CEI, du Conseil Constitutionnel et bien d’autres, qui doivent nécessairement être au service de la démocratie. Or, en la matière, le projet de Loi qui nous est proposé n’est pas une réponse satisfaisante aux enjeux vitaux pour notre nation”
Nous avions à cette occasion indiqué et je cite : « C’est dans notre fragilité commune que nous devons trouver et activer les ressorts de nos liens de fraternité pour relever de nouveaux défis qui alimenteront une vision nouvelle de notre nation.
L’expression profonde de notre fraternité, dans tous nos projets politiques et économiques, nos actions au service de nos populations, devient donc pour chacun, chacune d’entre nous, un impératif pour réaliser notre rêve commun et nos rêves.
La Côte d’Ivoire fraternelle est possible, par la construction d’institutions républicaines, authentiquement démocratiques, consensuelles, fortes et durables. Il doit en être ainsi de la CEI, du Conseil Constitutionnel et bien d’autres, qui doivent nécessairement être au service de la démocratie », fin de citation.
Ce projet de loi sur la CEI suscite des interrogations en ce qu’il ne prend pas en compte les différentes modifications opérées depuis 2001 à savoir les lois :
-n°2004-642 du 14 Décembre 2004
-n°2014-664 du 03 Novembre 2014
-n°2019-708 du 05 Août 2019
En particulier, la suppression de certains acquits importants de toutes les évolutions de la LOI de 2001 à l’ordonnance de 2020, indiquent clairement la volonté du pouvoir de conserver certaines prérogatives en vue tirer les ficelles à son profit dans l’organisation et les missions de la CEI ; il s’agit, entre autres, des modifications opérées dans les articles 2 et 5 qui constituent, à ne point en douter, des reculs démocratiques. Ces articles portent respectivement sur les missions de la CEI et sa composition.
De plus, le projet de loi soumis à notre analyse présente encore un déséquilibre en défaveur de l’Opposition et l’indépendance de l’Institution n’y est pas garantie.
Certes, Il est à souligner que l’Opposition acquiert une nouvelle place au sein de la Commission Centrale mais elle demeure largement minoritaire eu égard à la présence des représentants du Président de la République, du Ministre en charge de l’Administration du territoire et du représentant de la Commission Nationale des Droits de l’homme, organe sous tutelle étatique.
Ce projet de loi placé en face des nombreuses contestations et interpellations incessantes et constantes de l’Opposition ne choisit pas une réforme qui apaise le climat social et politique.
Le Groupe Parlementaire PDCI – RDA constate malheureusement que son ouverture au dialogue et ses propositions d’amendements faits dans le sens d’une avancée significative de la CEI en vue d’apaiser le climat social et électoral n’ont pas trouvé d’écho favorable auprès de l’émissaire du Président de la République.
Le Groupe Parlementaire PDCI – RDA exprime son regret devant cette situation et renouvelle l’appel du PDCI-RDA et de son Président à un dialogue inclusif, franc afin de trouver ensemble le chemin de la paix par la mise en œuvre d’une CEI plus consensuelle, indépendante et impartiale.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, chers collègues,
Il s’agit de réconcilier la Côte d’Ivoire et de tracer ensemble le chemin d’un autre destin pour notre pays.
Nous avons la responsabilité de reconstruire la confiance en sortant des calculs au bénéfice de tel ou tel clan.
La Côte d’Ivoire a trop souffert dans sa chair pour nous contenter de mesures qui ne sont pas à la hauteur de la grande ambition que nous avons tous et toutes pour notre pays.
Au regard de tout ce qui précède, le Groupe Parlementaire PDCI-RDA appelle l’ensemble des députés à rejeter le présent projet de LOI et à le suivre dans ses conclusions”.
Fait à Abidjan le 07 Novembre 2022
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